lundi 29 novembre 2010

Sud-Soudan: des nomades craignent de perdre l'accès à l'eau après le référendum




Au bout d'une piste de terre sinueuse, repose le fief miséreux des nomades arabes Misseriya qui craignent de perdre l'accès vital à l'eau de la rivière voisine en cas de rattachement de la région contestée d'Abyei au Sud-Soudan après le référendum de janvier.

Dans le hameau d'Al-Muglad s'écrit le prochain chapitre de l'histoire du le plus grand pays d'Afrique. Un chapitre peut-être sombre, car il pourrait le replonger dans le chaos à moins à l'approche du référendum d'indépendance du Sud-Soudan, prévu le même jour que celui d'Abyei, le 9 janvier 2011.

Les nomades nordistes Misseriya migrent chaque année depuis plus de 200 ans lors de la saison sèche vers le Bahr al-Arab méridional - "la rivière arabe" -, en quête de pâturage pour leurs troupeaux de vaches. Puis, ils s'enfoncent dans les terres fertiles du Sud-Soudan.

Or ce cours d'eau, baptisée rivière Kiir par les sudistes, coule dans la région contestée d'Abyei, située dans le ventre du Soudan, à la lisière du Nord arabo-musulman, et du Sud, en grande partie chrétien.

Après de violents affrontements en mai 2008, qui avaient fait craindre le retour de la guerre civile Nord-Sud, les deux parties avaient confié leur différend à la Cour permanente d'arbitrage de La Haye.

Celle-ci a réduit la taille d'Abyei au domaine historique de la tribu sudiste des Dinka Ngok, laissant le nord et l'est du secteur, doté de gisements de pétrole, au Nord-Soudan. Les politiques nordistes et sudistes avaient accepté cette décision, mais pas les Misseriya.

"Nous ne voulons pas du pétrole, nous voulons l'eau. Nous avons cinq millions de têtes de bétails. Où vont-elles s'abreuver?" dit Mokhtar Babo Nimir, l'émir des Misseriya, lors d'un entretien dans les bureaux des services de renseignement à Al-Muglad.

Ici, l'émir est roi. La salle aux murs défraîchis est ornée des photos du président soudanais Omar el-Béchir et du père de l'émir, Babo Nimir, preuve de l'importance de l'allégeance tribale dans ce secteur.

Les Misseriya, qui estiment avoir accueilli les sudistes Dinka Ngok sur les terres d'Abyei à partir de la fin du XIXe siècle, se considèrent comme les tenanciers de cette région contestée.

Or le référendum doit décider du rattachement d'Abyei au Nord ou au Sud-

Soudan. La loi accorde le droit de vote aux Dinka Ngok et aux "autres citoyens" d'Abyei, mais ne mentionne pas les Misseriya.

"Si je ne peux pas voter, il n'y aura pas de référendum", prévient l'émir. "Abyei ne peut pas revenir au Sud", tranche le chef Misseriya, tribu responsable de raids sanglants sur les sudistes pendant la guerre civile dans les années 1980.

Si le Sud se sépare et rafle Abyei, les Misseriya risquent de perdre à la fois l'accès au Bahr al-Arab et aux zones de pâturage du Sud.

"Alors notre bétail mourra, et il ne nous restera plus qu'à migrer à Khartoum pour trouver un emploi ou mendier. Il est préférable de mourir que de finir ainsi", estime-t-il, vêtu d'une tunique immaculée et lunettes épaisses accrochées au visage.

Dans un autocar déglingué, des jeunes Misseriya quittent Al-Muglad pour trouver du travail à Khartoum, à 30 heures de route. "Il n'y a pas de travail à Muglad. Et je ne veux pas devenir un gardien de troupeaux, passer ma vie à suivre une vache. De toute manière je n'ai pas de vache", clame Mohamed.

Des négociations, sous l'égide des Etats-Unis, tentent de trouver un compromis pour sauver Abyei des enfers.

"Pour l'instant (au début de la saison sèche) nous n'avons pas de problèmes d'eau et de pâturage. Mais si les négociations échouent, nous ne pouvons pas encore dire ce qui adviendra", dit l'émir.



AFP

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